PCSCP
Pour les Chambaran Sauvegardés et les Communs Protégés

16 octobre 2014 - indymedia Grenoble - Center Parcs , l’administration du désastre généralisé et la soumission durable au monde économique

par PCSCP.
Mis à jour le jeudi 23 octobre 2014

Nous pouvions lire dans Le Monde daté du 1er octobre 2014, dans un article consacré au dernier rapport Planète vivante, que vient de publier le WWF, que les observations réalisées par la Zoological Society of London et les ONG Global Footprint Network et Water Footprint Network, à partir desquelles on mesure l’état de la planète, n’ont jamais été aussi alarmantes. En effet, ce rapport conclut à un déclin de 52 % des populations des espèces sauvages de 1970 à 2010 ; à une empreinte écologique (surface nécessaire pour produire ce que nous consommons et pour absorber les déchets et le CO2 que nous rejetons) égale à la surface de 1,5 Terre par an ; et à une empreinte eau (volume total d’eau douce utilisé pour produire ce que l’activité humaine consomme, pour la production agricole, industrielle et les usages domestiques) qui ne cesse d’augmenter avec l’augmentation de la population, qui a presque triplé depuis 1950, ce qui a pour conséquence aujourd’hui qu’un tiers de la population mondiale (2,7 milliards de personnes) connaît une grave pénurie d’eau pendant au moins un mois par an.

Le rapport de la fondation WWF est accablant ! Marco Lambertini, Directeur du WWF-International a même déclaré : «  Les conclusions de ce Rapport Planète Vivante montrent plus que jamais que la complaisance n’a pas lieu d’être. Pour nous, il est essentiel de saisir l’occasion (tant que nous le pouvons) de nous développer durablement et de créer un avenir où les individus peuvent vivre et prospérer en harmonie avec la nature. »(1)

Ce type de rapport aux conclusions aussi inquiétantes, appelant à la raison, n’est pas nouveau. Déjà, en 1972, le rapport Meadows & al., que l’on nomme plus souvent le rapport du Club de Rome, mettait en évidence, en pleine période des trente glorieuses, les limites sur lesquelles la société allait buter si l’on continuait à consommer et à produire comme on le faisait à cette époque…

Ce genre de rapport alertant l’opinion publique et débouchant de temps à autres sur des conventions et des protocoles d’accords internationaux, des sommets de la Terre, des conférences environnementales ou de simples feuilles de route, etc., met quelquefois les États dans l’obligation de légiférer, et les entreprises et les administrés d’appliquer des règlements conformes à ces lois. Les États, pour contrôler le respect de ces règles, se dotent d’une police, de commissions d’experts, etc. et en appellent à la responsabilisation de chacun et de tous. C’est dans ce sens, mais aussi dans une volonté de faire participer les citoyens, que, pour la protection environnementale, la loi impose une procédure d’enquête publique intégrant un dispositif d’information et de recueil des avis de la population, afin de garantir que l’intérêt public et général soit mieux pris en compte.

Et ainsi va le meilleur des mondes !

En y regardant de plus près, la réalité est bien différente. L’esprit généreux des lois peut être totalement détourné pour favoriser des intérêts immédiats et consolider certains pouvoirs.

La commission d’enquête concernant la loi sur l’eau, liée au projet de construction du Center Parcs de Roybon dans les Chambarans, a émis un avis défavorable le 23 juillet 2014. Dans le rapport d’enquête, les conclusions sévères contre le projet sont motivées par 12 raisons, sachant que certaines d’entre elles justifiaient, à elles seules, un avis défavorable, notamment celles concernant la destruction d’une zone humide et sa compensation, ou encore les incidences sur le milieu. Parmi ces raisons, il y a aussi les défauts de compatibilité avec le SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) qui réaffirme notamment « la nécessité de maintenir la surface des zones humides du bassin Rhône-méditerranée ». Notamment, «  il s’agit de ne pas dégrader les zones humides existantes et leurs bassins d’alimentation » et de «  préserver les zones humides en les prenant en compte à l’amont du projet ».

Les conclusions de la commission enquêtant sur le projet de Roybon, en se référant à la loi sur l’eau, vont dans le même sens que celles affichées par le WWF dans son Rapport Planète vivante, qui vient de paraître et qui en appelle à la protection des espèces et de l’eau qui se raréfie et à la réduction de l’empreinte écologique ; problèmes que l’on nous rabâche depuis plus de 40 ans. Alors pourquoi le WWF, en partenariat avec Pierre & Vacances durant 6 années et notamment entre 2008 et 2011, c’est-à-dire pendant le montage du projet de Roybon sur une zone humide, n’a-t-il émis aucune réserve contre le projet ? Le partenariat ne se traduit-il pas par une politique de sensibilisation aux problèmes environnementaux que l’entreprise doit mener en direction des clients, de leurs enfants et des employés, mais aussi par l’accompagnement de l’ONG, pour que l’entreprise se retrouve dans une démarche permettant à ses projet d’être plus respectueux de l’environnement ? Le silence de WWF sur ce sujet n’était-il pas dépendant des 200 000 euros que Pierre & Vacances a alloués au WWF dans le cadre de ce partenariat ?(2) L’intérêt général n’est-il pas, dans l’esprit des industriels, d’abord et toujours économique ?

À peine la commission d’enquête publique avait-elle donné son avis défavorable que la CCI, la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Grenoble, réagissait : « Malgré l’avis défavorable de la commission d’enquête au titre de la Loi sur l’eau, les acteurs économiques restent confiants dans la volonté et la capacité des pouvoirs publics pour faire aboutir le projet de Center Parcs à Roybon. »(3)

Cette réaction, une semaine seulement après que l’avis de la commission d’enquête a été rendu public, est très significatif du pouvoir de réaction du monde économique, soumis habituellement aux lois de la concurrence généralisée, se serrant ici les coudes lorsque leur principe et leur monde sont remis en question. Cet avis a été signé par 14 institutions de représentation du monde économique : CCI de Grenoble (Chambre de commerce et de l’industrie), Chambre des Métiers et de l’Artisanat de Grenoble, MEDEF Isère, CGPME Isère, FBTP Isère, FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), Groupement des Industries Papetières de l’Isère, CNPA, UIC (Union des industries chimiques), UNIRV (Union des industries et des entreprises de la région voironnaise), UMIH Isère (Union des métiers et des Industries de l’hôtellerie), FNTV (Fédération nationale des transports de voyageurs), Fédération Bancaire Française et l’Automobile Club de l’Isère.

Mais le monde de l’économie a des appuis dans le monde politique. En Isère, André Vallini en est le plus farouche représentant, pour qui la réglementation et la gestion des problèmes environnementaux ne sont que des freins à la raison économique : «  […] à l’occasion de l’inauguration du nouveau collège à l’Isle d’Abeau, […] André Vallini s’est lancé dans une diatribe contre les tritons. Plusieurs spécimens de cette espèce protégée ont en effet été repérés lors de la construction du nouvel établissement scolaire. Il a fallu les déplacer dans une mare écologique. Ce qui a eu pour effet de retarder de trois mois le chantier. “ Nous avons eu le même problème lors de la construction d’un pont à St-Quentin-Fallavier, et dans les Chambarans, pour le projet de Center Parcs. L’accumulation de réglementations, comme la loi sur l’eau, paralyse l’action publique. Cela ne peut plus continuer. ”. » (Le Dauphiné Libéré, 13/10/2012) (4)

Lors de son discours au stade de Roybon, le 29 juin 2012, devant les défenseurs du projet Center Parcs qui n’ont pas réussi à remplir le stade comme ils l’avaient espéré, Vallini avait soutenu : «  Les entreprises de bâtiment ont des problèmes en ce moment de carnets de commandes, nous faisons ce que nous pouvons au Conseil général, pour les travaux publics avec les routes, pour le bâtiment avec les collèges. » (5)

Il faut savoir satisfaire les BTP lorsque l’on est élu !

Que cette conjuration entre le monde économique, le monde politique et l’État ait pu aboutir aux conclusions du Coderst (le Conseil départemental de l’Environnement et des Risques sanitaires et technologiques) et par conséquent à la décision du Préfet d’autoriser le début des travaux ne devrait étonner personne. L’avis favorable du Coderst va dans le sens de l’intérêt économique, en laissant croire que le maître d’ouvrage avait pu redéfinir son projet en quelques jours pour qu’il réponde aux insuffisances et aux absences pointées par la commission d’enquête loi sur l’eau… Quant à « la cohérence des politiques publiques et en référence à l’article 211-1-1 du code de l’environnement », où les financeurs publics sont invités à ne plus financer les projets portant atteinte directement ou indirectement à des zones humides (6) , elle ferait seulement office de vitrine environnementaliste pour les projets à venir…

Nous voyons bien que, dans le cadre d’une société capitaliste, les problèmes environnementaux peuvent être pris en compte par une politique de protection environnementale, mais que l’initiative sur les buts à atteindre et la direction à prendre reviennent toujours aux besoins d’une économie mandatée par les intérêts de la grande industrie et de l’État assurant une paix sociale indispensable à la bonne marche de l’édifice, quitte à faire quelques entorses ou à faire faire des contorsions aux règlements.

Henri Mora, le 16 octobre 2014

http://grenoble.indymedia.org/2014-10-16-Center-Parcs-l-administration-du


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