La loi du 24 juillet 2019 rétablissant le caractère alternatif, et non cumulatif, des critères définissant les zones humides a porté un rude coup aux projets de Center parcs à Roybon (Isère) et à Pullay/Les Barils (Eure), s’insérant dans les procédures administratives en cours et contraignant Pierre & Vacances (P&V) à compenser la destruction potentielle de 73 ha de zones humides à Roybon et de 36 ha à Pullay/Les Barils. Un casse-tête pour le groupe car il n’est pas chose aisée de trouver des terrains compensatoires, sur le même bassin versant, à moins de 30 km et sans empiéter sur des terres agricoles. Ces compensations sont par ailleurs coà »teuses.
P&V décidait donc de s’attaquer à la loi elle-même. Juridiquement en premier lieu, en déposant une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) auprès du Conseil d’État le 23 décembre 2019 dans laquelle SNC Roybon Cottages, filiale de P&V, estimait que l’article 23 de la loi du 24 juillet 2019 portait atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faute de comporter des dispositions transitoires. De son point de vue, la demande d’autorisation prédatant la loi du 24 juillet 2019, cette dernière ne pouvait s’appliquer rétroactivement.
Mais le 17 juin 2020, le Conseil d’État refusait d’envoyer la QPC au Conseil Constitutionnel, privant P&V de tout recours. Pour Roybon, c’est donc un retour à la case départ, devant le Tribunal de la Cour d’appel de Lyon afin de statuer sur la question des 73 ha de zones humides.
Néanmoins, P&V a encore une carte à jouer : grâce à ses relations au Sénat, il semblerait que Gérard Brémond, PDG de P&V, ait réussi à faire passer un amendement au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), taillé sur mesure, stipulant que les dispositions du fameux article 23 ne sont pas applicables aux demandes d’autorisation déposées avant la publication de cette loi. Le débat et le vote de la loi ont été reportés, probablement à la rentrée, suite à la crise sanitaire. Il est certain que P&V attendra le résultat du vote pour avancer sur ces dossiers.
La collusion entre les pouvoirs publics et P&V ne s’arrête pas là : selon un article de Place Gre’net du 18/06/2020, des fuites ont récemment révélé des échanges compromettants entre Gérard Brémond et le ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Travert, en décembre 2017, quelques temps avant qu’un décret signé de la main du ministre proroge la validité de l’autorisation de défrichement préalable aux travaux du Center parcs de Roybon. A ce jour, l’État refuse toujours de communiquer l’intégralité des échanges avec P&V, malgré l’injonction du Tribunal administratif de Paris.
Gérard Brémond est un habitué des couloirs de l’Assemblée nationale, du Sénat et de Bercy, ainsi que nous l’apprend M. Jean-Luc Michaud (haut fonctionnaire qui a été de tous les ministères liés au tourisme et président de l’Institut Français du Tourisme) dansComplément d’enquête de France 2 le 13/07/2017 : « Il ne fait aucun doute que chaque loi de défiscalisation porte la marque de Gérard Brémond  ». Exemple : l’amendement de dernière minute déposé par Jérome Cahuzac, alors ministre du Budget, suite à une visite de Brémond à Bercy, permettant de reconduire la niche fiscale Censi-Bouvard favorisant les hébergements touristiques. Ou encore la rencontre le 3 septembre 2015 avec Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie, dans une vaine tentative de reconduire une nouvelle fois le Censi-Bouvard. Brémond ne repartira pas les mains vides puisqu’un mois plus tard la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) annonçait un plan de soutien au tourisme de 1 milliard d’euros. Rappelons que la CDC a investi massivement dans les Center parcs, dont Villages Nature.
On serait tenté d’ironiser sur le fait que Gérard Brémond, tout en se plaignant de ne pas avoir eu droit à un procès équitable, excelle à détourner les lois environnementales. Il en a même fait une croisade à en juger par une diatribe délivrée au cours d’unetable rondeau Sénat en 2011 : « Les instructions du « Grenelle de l’environnement  » alourdissent considérablement les délais d’obtention des autorisations administratives. Quant aux recours administratifs d’un voisin, d’un écologiste, d’un électeur déçu, il est devenu un sport national ! Il faut faire un travail sur les recours abusifs et leurs conséquences !  ». Un moment de vérité où on constate que M. Brémond maîtrise le greenbashing aussi bien que le greenwashing, selon les besoins.
La Rédaction
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