Chère adhérente, cher adhérent,
Nous revenons vers vous au sujet de l’audience qui aura lieu le 30 avril prochain qui précèdera le rendu du jugement de la Cour administrative d’Appel de renvoi de Lyon dans le dossier Loi sur l’eau.
La Cour administrative d’Appel de Lyon, avait rejeté la validité de l’autorisation Loi sur l’eau en décembre 2016 au vu de l’évidente impossibilité de la société Pierre et Vacances de se conformer à la Loi et de compenser la destruction de 76 hectares* de zones humides selon les exigences des textes de Loi (*chiffre de la Préfecture, près de 120 hectares pour les experts du Tribunal).
Sur ce seul aspect des compensations des zones humides, ce projet est aujourd’hui toujours illégal.
Le Conseil d’Etat sollicité par Pierre et Vacances a cassé ce jugement, il a demandé de laisser ce seul aspect des compensations pour regarder « ailleurs », et apprécier la compatibilité de ce projet à la lumière des autres « orientations fondamentales » du SDAGE Rhône Méditerranée 2016-2021.
Il faut savoir que les « orientations fondamentales » du SDAGE ont une portée juridique qui s’impose à l’administration en matière de gestion de l’eau mais le SDAGE ne crée pas le droit.
Le SDAGE s’impose donc aux décisions par un lien de “ compatibilité ”. Cette notion, moins contraignante que celle de conformité, implique selon le juge administratif, une absence de contradiction ou de contrariété entre ces documents ou décisions et le contenu du SDAGE.
La question principale à la date d’aujourd’hui pour ce dossier est :
« à quel degré de compatibilité avec les orientations du SDAGE les magistrats vont-ils estimer ce projet ? »
Sachant que la plupart des orientations concernent l’eau et l’environnement : le bon état écologique et chimique des eaux de surface, un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement pour les masses d’eau souterraines, des exigences particulières pour les zones protégées, entre autres les zones pour l’alimentation en eau potable, la reconquête de la qualité des milieux aquatiques, la non-imperméabilisation des sols, etc…
Elément capital, vient s’ajouter l’orientation fondamentale concernant l’adaptation au changement climatique.
Le SDAGE souligne : « Mobiliser les acteurs des territoires pour la mise en oeuvre des actions d’adaptation au changement climatique ».
En plus de cette disposition, 61 dispositions, soit plus de la moitié des dispositions du SDAGE, sont consacrées à cet aspect.
Et parmi celles-ci, l’orientation fondamentale n°1 :
« Privilégier la prévention et les interventions à la source pour plus d’efficacité » (avec 7 dispositions).
La longue liste des problématiques liées à la protection de l’eau et à la biodiversité soulevées par les associations et par la commission d’enquête publique, s’inscrivent toutes dans ce qu’il est préconisé par le SDAGE de ne pas faire.
Tous les indicateurs sont au rouge avec le Center Parc de Roybon, notamment au regard du changement climatique !
Et s’il en est une parmi les plus préoccupantes : l’implantation du projet au cÅ“ur des aires d’alimentation des zones d’intérêt prioritaire (ZIP) pour l’alimentation en eau potable, concernant les flux profonds de l’aquifère de la molasse miocène, ces zones doivent rester « vierges » selon les études scientifiques pour pouvoir continuer à alimenter les flux.
Aujourd’hui dans le secteur Bièvre-Liers-Valloire, Galaure-Drôme des Collines, Sud Grésivaudan les nappes phréatiques sont en dessous du niveau de recharge, et ce bien avant les périodes estivales.
Le préfet de l’Isère vient déjà de placer, ce mardi 23 avril, une partie du département de l’Isère en vigilance sécheresse.
On sait que les plateaux Chambaran Thivolet sont le secteur principal de recharge des nappes profondes, et que ces secteurs sont fragiles et ne doivent pas être imperméabilisés.
Nous sommes sur des terrains à « haute valeur patrimoniale » puisque l’aquifère de la molasse qui en dépend a été ainsi déclaré par le SDAGE lui-même.
Les élus locaux restent aveugles à toutes ces alarmes et ne voient que l’intérêt « économique », à travers les emplois à développer sur Roybon, intérêt fort mal estimé par ailleurs.
Et pour preuve, la petite (1229 habitants) commune de Roybon, au regard des chiffres du chômage, ne se situe pas plus en difficulté que tout le secteur côté Bièvre-Liers ou côté Sud Grésivaudan.
En effet les chiffres de l’INSEE 2016 (comme ceux de 2012) sont éloquents : Roybon avec un taux de chômage de 14.3% se place bien loin après les communes de :
Saint Marcellin : 18.1 %, La Côte saint André : 17.6 % , Beaureaire : 18 %, La tour du Pin : 18.9 % !
Ces communes concernent une population autrement plus importante et beaucoup plus jeune que celle de Roybon.
De plus, la plupart des habitants de Roybon ne sont pas concernés par les emplois Center Parc, Pierre et Vacances prévoit le transport des employés situés jusqu’à 20 km et plus autour de Roybon.
Alors se pose la question évidente pourquoi est-ce à Roybon qu’il faut implanter un Center Parc ?
D’autre part, les « emplois Center Parc » pour 80% d’entre eux à 9-10h par semaine et corrélés à des RSA activités, sont-ils des emplois pérennes ?
Ainsi, connaissant ces réalités, les emplois vont-ils peser plus lourd dans la balance que les enjeux vitaux de l’eau potable de toute une région et de la biodiversité encore fonctionnelle de tout ce massif ?
Car sur la question de l’emploi et de l’enjeu économique, le SDAGE est clair.
Il est bien question de l’aspect économique des secteurs liés à l’eau et non à celui du secteur touristique.
La disposition 3-02 du SDAGE (p.63) ne doit pas être interprétée à tord par Pierre et Vacances.
Les emplois visés par la disposition 3-02 sont ceux « liés aux investissements réalisés sur le territoire, aux emplois dans les domaines de l’animation territoriale et de l’entretien des milieux (…), la qualité sanitaire (eau potable, baignades), et l’amélioration de la qualité des territoires (qualité de l’eau et des milieux aquatiques…) »
De plus, il précise dans la disposition 3-04 : « inciter les porteurs de projet à réfléchir à la durabilité économique à moyen et long terme des projets impactant l’eau et les milieux aquatiques… »
Le modèle touristique des « Center Parc » appartient à un passé révolu.
Concept des années 70, période de pleine croissance économique, de pétrole bon marché, où la question du climat et des rejets de CO2 dans l’atmosphère n’était pas encore dans tous les esprits, ni même celle de l’utilité et de la fragilité des milieux et de la biodiversité.
Souhaitons que les magistrats lyonnais auront relevé tous les aspects qui condamnent définitivement ce projet face aux enjeux de notre société actuelle, précisés par le SDAGE 2016-2021.
PCSCP