A Monsieur le Président du conseil général de l’Isère Aux Elus des départements de l’Isère et de la Drôme
Mesdames, Messieurs,
Cette lettre s’adresse à vous afin que vous preniez conscience et réagissiez face aux dérives, pressions et violences visant les divers opposants (ou supposés tels) au projet de Center Parcs dans les Chambaran , et exercées par certaines personnes soutenant ce projet.
Cette lettre n’a pas pour but de débattre sur ce projet en lui-même, mais de vous alerter sur la manière dont ce projet a été imposé dès son origine par certains élus.
Elle veut également apporter quelques réflexions sur le rôle des élus dans la vie démocratique.
L’absence de consultation réelle des populations
Depuis le début (2007-2008), ce projet important par ses enjeux financiers et environnementaux a été ficelé :
- sans consultation réelle et préalable des populations concernées de l’Isère et de la Drôme,
- sans débats réels, remplacés par des « réunions d’information  » reprenant pour l’essentiel les données et arguments de Pierre et Vacances.
- sans possibilité d’expression des avis contraires, qu’ils proviennent de citoyens, d’études ou d’expertises indépendantes.
- Par ailleurs, la plupart des élus locaux pro Center Parcs se sont bien gardés de donner la parole aux opposants qu’ils ont toujours traité avec mépris, sans même répondre à leurs courriers.
C’est seulement lors de l’enquête publique « loi sur l’eau  » (obligation légale), en 2014, à la veille des travaux, que des voix opposées ont pu parfois s’exprimer et argumenter et se faire entendre lors de réunions "officielles".
L’absence de consultation en amont a constitué un véritable passage en force pour ce projet, facilité par l’inadéquation des lois et processus de validation. Les véritables problèmes environnementaux ont été évoqués seulement en fin de parcours, ce qui a malheureusement obligé les opposants à utiliser plusieurs moyens d’action pour défendre nos biens communs. Certains par l’intermédiaire des tribunaux et d’autres en occupant les lieux pour empêcher les travaux, tous ayant comme but commun d’éviter d’être mis devant le fait accompli de la destruction de zones humides précieuses.
C’est le recours d’associations de pêcheurs devant le tribunal administratif contre l’arrêté "loi sur l’eau" qui a suspendu le chantier le 23 décembre 2014 en attente de jugements sur le fond.
Sur les pressions et violences envers les opposants ou supposés tels au projet de Center Parcs
L’expression des opinions des opposants, le recours aux moyens juridiques légaux disponibles semblent devenus de plus en plus insupportables à certains élus ou autres responsables, qui se sont revendiqués en janvier comme attachés à la liberté d’expression ("je suis Charlie") suite aux attentats à Paris.
Pour information ou mémoire, voici quelques faits notoires :
Les pressions sur les citoyens :
- Pressions envers les personnes suspectées de tiédeur dans leur soutien au projet
- Pose de banderoles favorables au Center Parcs par des maires, ralliant de force tous les habitants de leurs communes à leurs choix
- Censure en février 2015 par la mairie de Viriville d’un événement public sur les zones humides (à l’occasion de la Journée Mondiale des Zones Humides)
- Dénonciation arbitraire d’un contrat de mise à disposition d’un terrain communal de Roybon, une forme d’expulsion d’un équithérapeute (opposant légaliste de l’association PCSCP) + arrachage de ses panneaux de signalisation
- Bris de matériel et inscriptions menaçantes sur terrains privés
- Pressions sur les subventions de la Frapna en 2014
Les violences verbales et écrites ont pris des formes diverses :
- Certains élus locaux (notamment Mrs Serge Perraud, Jean Pierre Barbier, Alain Cottalorda, Yannick Neuder, André Roux) ont diffamé les "zadistes" en les traitant de terroristes, et ont jeté de l’huile sur le feu au lieu d’appeler au calme et au dialogue.
- Certains élus locaux ont suggéré lors de réunions officielles de démettre de leur mandat les élus réticents au Center Parcs !
- Sur certains réseaux sociaux publiques animés par des pro Center Parcs, on lit depuis des semaines des expressions de haine, des menaces de violences physiques envers des opposants, allant parfois jusqu’à des menaces de meurtre !
- Espérons que ces propos dangereux restent minoritaires...
Mais plus grave encore, ces appels à la violence se sont à présent traduits en actes inadmissibles :
- le 05 février 2015, une cabane d’habitation située à l’entrée de la maison de la Marquise (MaquiZad occupée et habitée par des opposants) a été la cible d’un incendie criminel par cocktails molotovs.
- Les 7 et 8 février : diverses exactions ont été relevé autour de Roybon (jours où des pro Center Parcs ont dressé des barrages routiers à l’invitation de l’Association "Vivre en Chambaran"), notamment :
- deux voitures d’opposants ont été incendiées vers Dionay
- deux opposants ont été agressés vers la route de l’Aigue Noire, dont l’un très violemment
- des personnes ont été inquiétées (filmées, interrogées,...) ou menacées à certains barrages tenus sur des routes par des pro Center Parcs (ou des "anti-opposants au Center Parcs" ?), la gendarmerie était absente la plupart du temps de ces barrages.
- Menaces par 4 personnes avec masses et tronçonneuses à l’entrée sud du bois des Avenières
- des pneus de voitures d’opposants ont été endommagés
Ces actes ont été étrangement très peu évoqués dans les médias locaux...
Aucun élu pro Center Parcs ne s’est élevé publiquement à ce jour contre les exactions indiquées plus haut. Aucun de ces élus, ni entre le 5 et le 8 février au moment des tensions les plus vives, ni avant ni après, n’a appelé au calme et au respect des opposants.
Ils portent donc leur part de responsabilité.
On peut même hélas se demander si certains d’entre eux ne cautionnent pas de fait ces actes minoritaires, ou laissent faire volontairement en espérant une escalade qu’ils espèrent défavorable aux opposants ? Veulent-ils l’apparition de sortes de milices comme à Sivens dernièrement avec des agriculteurs FDSEA ?
Dans tous les cas, nous dénonçons avec force cette attitude irresponsable de certains élus pro Center Parcs, qui jouent avec le feu et encouragent ou laisse faire des atteintes à l’article 19 de la déclaration des Droits de l’Homme.
Ce contexte nauséabond et irresponsable amène aussi à se poser des questions sur l’attitude des forces de l’ordre qui semblaient passives devant cette usurpation de leur rôle les 7 et 8 février, et procèdent de leur côté à des contrôles dont on peut se demander s’ils sont bien justifiés et s’ils restent dans le strict cadre légal.
Enfin, il faudra bien, à la lumière de ces événements, s’interroger sur une certaine conception et une certaine pratique du rôle des élus.
Nous vous soumettons à cet égard quelques remarques :
- Les élus sont-ils vraiment si représentatifs en présence d’abstention record ? Les candidats sont souvent élus avec un faible pourcentage ( 17,5 % dans certains cas).
- Dans une véritable démocratie, être élu ne donne pas un pouvoir absolu.
- Les décisions imposées sont souvent mal acceptées. Quand des erreurs sont commises, elles peuvent être lourdes de conséquences, et peuvent parfois faire l’objet de poursuites.
- L’existence d’une opposition est-elle vécue comme inadmissible ou à tout le moins comme une gêne, une entrave, plutôt que comme un droit normal et même essentiel ?
Tout le monde devrait se sentir concerné par ces questions, car il est des moments où rester silencieux ou passif revient à une forme de complicité.
Nous demandons donc aux élus de prendre leurs responsabilités pour dénoncer les exactions envers les opposants, appeler au calme, au dialogue et au respect de tous.
Croyez en notre ferme volonté de ne pas céder sur ces points et d’user de tous les moyens légaux pour obtenir satisfaction.
Nous appelons donc tous les amoureux de la liberté à soutenir ce combat pour la possibilité d’exprimer librement une opposition au Center Parcs, et plus généralement, pour le développement d’une véritable démocratie à tous les niveaux.
Pour endiguer les expressions de haine et de violence, nous souhaitons que se développent partout : dialogues, discussions, échanges, débats entre toutes les personnes et groupes.
Il est important d’éviter une escalade et de compromettre l’avenir des Chambaran par les actes de personnes irresponsables.
10 mars 2015
Collectif pour la liberté d’expression et la démocratie réelle
Contact : contact-def-opp-cp@riseup.net
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