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11 juin 2016 - Le Monde - Des propriétaires en lutte contre Pierre & Vacances

par PCSCP Stéphane PERON.
Mis à jour le lundi 13 juin 2016

LE MONDE ECONOMIE | 11.06.2016 à 10h07 • Mis à jour le 11.06.2016 à 14h53 | Par Frédéric Cazenave (journaliste frederic-cazenave)

La résidence de l’Ours blanc de Pierre & vacances, à l’Alpe-d’Huez. Laurent Salino Pour Le Monde

Ah ! Le bonheur d’être propriétaire ! Détenir un pied à terre à la montagne ou en bord de mer pour se retrouver en famille quelques semaines par an et profiter des pistes ou des joies de la piscine. Le reste de l’année, un exploitant s’occupe de la gestion et vous reverse une partie des loyers. Idéal pour compléter sa future retraite. Vous n’avez pas encore succombé ? La suite en a fait craquer plus d’un. Investir dans une résidence de tourisme offre un double avantage fiscal : vous ne payez pas de TVA à l’achat et, grâce au dispositif Censi-Bouvard, vous pouvez réduire vos impôts jusqu’à 3 600 euros par an pendant neuf ans.
Au pays des 400 fromages et autant de niches fiscales, l’argument fait mouche. Depuis 2010, plus de 27 000 résidences ont ainsi été vendues, selon le syndicat professionnel. Pourtant, la réalité peut s’avérer bien moins reluisante. Les propriétaires de la résidence Pierre & Vacances

L’Ours blanc à l’Alpe d’Huez (Isère) viennent de l’apprendre à leurs dépens. « Pendant neuf ans, tout s’est déroulé sans accroc. Mais en décembre 2015, lors du renouvellement du bail, Pierre & Vacances m’annonce qu’il divise par deux le montant des loyers, à 4 800 euros par an, et réclame 12 000 euros pour remettre en état l’appartement », explique Igor Iksil, qui rembourse chaque mois 1 000 euros de crédit pour ce deux-pièces acheté 177 000 euros.

Bien sûr, ce cadre supérieur d’une société informatique parisienne peut refuser . Mais dans ce cas, Pierre & Vacances se désengage. Le propriétaire doit alors s’acquitter des charges de copropriété, rembourser la réduction de TVA et, surtout, trouver lui-même des locataires. Et rapidement, car le crédit court toujours...

« Le piège est particulièrement bien ficelé »

De quoi inciter à signer le nouveau bail pour sauver ce qui peut l’être. C’est à contrecœur ce qu’a choisi Nadine Coutier à L’Ours blanc. « Malgré la baisse de 30 % du loyer et 18 000 euros de travaux, je n’ai pas le choix. Je n’ai pas le temps de gérer une location », explique cette infirmière libérale qui exerce dans la Drôme.

L’autre option consiste à arrêter les frais en vendant. « Personne n’en veut, se désole M. Iksil. En deux ans, la seule offre que j’ai eue est celle d’un habitant du coin qui a l’habitude de faire le tour des propriétaires pris à la gorge en fin de bail... Il m’en a proposé 98 000 euros. »

« Le piège est particulièrement bien ficelé. Les publicités qui servent d’argumentaire font miroiter des loyers garantis et inscrivent l’investisseur dans un temps long en évoquant la retraite. Mais au bout de neuf ans, le promoteur change les règles et ne laisse aucune réelle alternative au particulier », explique l’avocat parisien Michel Menant qui a assigné Pierre & Vacances devant le Tribunal de grande instance de Paris le 15 avril, au nom de dix propriétaires. « Faux, rétorque Philippe Pagès, directeur de la gestion des patrimoines du groupe de tourisme. Nous avons des exemples de propriétaires qui passent par des agences pour louer leur bien. »

Un cas loin d’être isolé

Cela ne réconfortera sûrement pas M. Iksil, mais son cas est loin d’être isolé. « En 2004, ma banque m’a vendu ce placement Pierre & Vacances comme un produit sans souci, en me montrant des tableaux de rentabilité sur vingt ans. A l’arrivée, on en est très loin. Nous avons eu de très lourds travaux pour rénover cette résidence située à Marseille », raconte Christophe Odin, l’ancien fondateur de la start-up Kelkoo, qui a lancé le site Proprietaires-pierre-et-vacances.com afin de partager les expériences.

Car les particuliers ayant vécu de telles mésaventures – avec Pierre & Vacances ou d’autres gestionnaires – sont légion. Créée en 2013, la Fédération nationale des propriétaires en résidences de tourisme représente 12 000 personnes. « Toutes ont rencontré un problème : faillite, baisse des loyers, etc., souligne Thien An Hoang, la présidente. Il s’agit de classes moyennes, voire un peu aisées, attirées par la fiscalité, qui s’endettent en tablant sur le paiement des loyers promis. »

Régulièrement, les députés sont sollicités. « J’ai été alerté dans ma circonscription par des citoyens en graves difficultés financières depuis qu’ils doivent gérer eux-mêmes leur résidence », explique Alain Chrétien, député LR de Haute-Saône.

Brutale procédure

« C’est insupportable d’être pris à ce point pour un pigeon », lâche François Tryhoen, chirurgien en Haute-Marne, qui a acheté un 2-3 pièces un peu moins de 200 000 euros en 2006, pour se constituer un patrimoine et s’en servir deux semaines par an pour skier . « Avec le nouveau bail, je ne touche plus que 6 800 euros par an, tandis que je rembourse 14 400 euros de crédits . Je dois payer plus de 15 000 euros de travaux et je n’ai plus le droit d’occuper mon appartement ! »

Tous ne décolèrent pas non plus sur la façon dont la procédure s’est déroulée. « Six mois avant l’échéance du bail, un courrier m’annonce la future résiliation en précisant que cette formalité ne doit pas m’inquiéter », râle M. Iksil. « Puis en fin d’année, le couperet tombe avec des conditions à prendre ou à laisser », poursuit M. Tryhoen.

Pour se justifier , Pierre & Vacances met en avant la crise économique, la baisse des taux d’occupation, la nécessité de ne plus indexer les loyers sur l’évolution de l’indice de la construction...
De toute façon, il est écrit noir sur blanc que le bail dure neuf ans. Et rien ne promet qu’il soit renouvelé dans les mêmes conditions. Cette possibilité de négocier est devenue un axe stratégique pour le groupe, qui explique dans son rapport annuel mener depuis 2012 « une politique de réduction des loyers ». « Au cours des trois dernières années, la moitié des baux ont été renouvelés avec des baisses comprises entre - 40 % et - 20 % et l’autre moitié entre - 20 % et + 10 %, précise M. Pagès qui relativise l’ampleur des litiges. Nous en totalisons seulement 53. »

Cinquante-trois, dont ceux de L’Ours blanc, qui n’ont pas été refroidis par la perspective d’une action en justice . L’angle d’attaque de maître Menant : Pierre & Vacances rompt son « obligation contractuelle ». « L’acte de vente, le bail commercial et le prêt immobilier ont été signés en même temps. Et tout le montage est basé sur la période de vingt ans qui permet de bénéficier de l’exonération de TVA. Il y a donc un “bloc contractuel” qui est indissociable. Nous demandons tout simplement que Pierre & Vacances respecte cette “obligation contractuelle d’origine”, et verse le même niveau de loyer jusqu’à la fin des vingt ans ». Au passage, l’avocat a aussi assigné l’étude notariale Thibierge & Associés, mandatée par Pierre & Vacances, pour « faute dans son devoir de conseil ». M. Tryhoen, lui, n’ose pas se faire d’illusions sur l’issue de la procédure. « Cela va être long... Mais si notre action peut déjà éviter à d’autres de tomber dans le panneau. »

Source : http://www.lemonde.fr/acces-restreint/economie/article/2016/06/11/edf22746a1049c11065d5bc


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