• Quel est ce projet ?
À l’automne 2007, la société Pierre & Vacances entame les premières démarches auprès de la ville de Roybon, dans l’Isère, pour installer un Center Parcs dans le massif des Chambaran. 1000 cottages, un espace aqualudique, des boutiques et restaurants, ainsi qu’une salle de congrès seront déployés sur environ 200 hectares. La vaste base de loisirs devrait s’accompagner de la création de 700 emplois permanents, dont 468 à temps plein, et générer 12 millions d’euros par an de retombées économiques, indique le protocole d’accord signé entre l’État et Pierre & Vacances.
L’investissement global est évalué à 387 millions d’euros. Le conseil général participe à hauteur de 15 millions d’euros, répartis entre la modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement ainsi que l’aménagement des voies d’accès et de stationnement. La communauté de commune participera pour 4,5 millions d’euros aux travaux d’assainissement. La région Rhône-Alpes doit débloquer 7 millions d’euros destinés à la formation.
• Pourquoi est-il contesté ?
Comme à Sivens ou Notre-Dame-des-Landes, le « Center Parcs de la forêt de Chambaran » est qualifié de « grand projet inutile et imposé » par ses détracteurs. Ils s’appuient sur l’avis négatif d’une enquête publique publiée en juillet dernier : « À l’examen de toutes les observations, tant écrites qu’orales, du public (...) et après avoir auditionné des experts, la commission émet unanimement un avis défavorable au projet ». Absence de délimitation et de caractérisation de la zone humide, sous-évaluation de la surface détruite et impactée, insuffisance des mesures compensatoires, risques de crues et d’érosion... Au total, douze points rédhibitoires sont exposés. « Le site est sensible sur le plan environnemental, avec la présence de deux Zones Naturelles, de corridors écologiques et d’un site Natura 2000 », rappelle la commission.
Les anti font aussi le parallèle avec le barrage de Sivens. Un projet pour lequel la Commission publique a rendu un avis positif et où 13 hectares de zones humides doivent être détruites contre 76 à Chambaran. Ces zones humides jouent notamment un rôle pour les nappes phréatiques qui alimentent une centaine de communes en eau potable. Le projet met aussi en péril l’habitat de près de 35 espèces animales et végétales protégées.
Par ailleurs, sur les 727 observations du public recueillies dans l’enquête, 60 % y sont opposés.
• Qui sont ces opposants ?
L’implantation du village est contestée par les défenseurs de l’environnement. La fédération de pêche de la Drôme, la fédération de Protection de la Nature (Frapna) d’Isère et de la Drôme ont multiplié les recours en justice. Depuis 2010, une association d’habitants Pour les Chambaran Sans Center Parcs informe et mobilise contre le projet. Ces dernières semaines, des zadistes ont également fait leur apparition dans la fôret, devenue une Zone à défendre (ZAD). La contestation a pris de l’ampleur : ils étaient 600 à manifester la semaine dernière.
Les élus d’Europe-Ecologie-Les Verts sont aussi sur le front. Sur France Bleu Isère, la députée européenne d’EELV Michèle Rivasi a appelé Ségolène Royal à stopper le chantier de défrichement de Roybon qui a démarré « alors que les commissaires enquêteurs avaient donné un avis négatif ». La ministre de l’Environnement, pour l’instant muette sur le sujet, est prévenue : « Tu arrêtes Sivens mais il faut arrêter le Center Parcs aussi. Sinon on va avoir des violences comme on a eu à Sivens », a lancé l’élue écologiste.
• Quels sont les arguments des partisans ?
De gauche comme de droite, la majorité des élus des collectivités locales se sont déclarés favorables au projet. Le nouveau maire de la commune de Roybon, Serge Perraud, a signé la vente du terrain le 17 octobre. « Ce qu’il faut retenir c’est que le projet va générer 450 équivalents temps plein », a-t-il déclaré sur France 3 Alpes. Dans un contexte de crise, l’arrivée de Center Parcs est « une vraie bouffée d’oxygène » pour les entreprises de BTP. Des citoyens pro Center Parcs se sont aussi regroupés autour de l’association Vivre en Chambaran.
De son côté, Pierre & Vacances assure avoir pris en compte les observations de la commission d’enquête et réaliser un ouvrage respectant l’écosystème local. La capacité du bassin principal de stockage des eaux pluviales a par exemple été revue à la hausse, en passant de 2500 m3 à 8500 m3.
• Où en sont les travaux ?
L’ouverture, initialement prévue pour 2013, a été reculée à 2017 suite aux recours judiciaires. En octobre, après un avis consultatif favorable du Conseil départemental de l’environnement, le préfet de l’Isère a publié deux arrêtés préfectoraux au titre de la Loi sur l’Eau et des espèces protégées autorisant Pierre & Vacances à commencer les travaux. Le groupe a aussitôt entamé le défrichement. « Cela va se passer en trois phases : d’abord, nous procéderons à la coupe du bois. Ensuite, l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) va réaliser des fouilles. Enfin, nous passerons au dessouchage. Tous ces travaux vont durer jusqu’au début de l’été 2015 », indique Eric Manier, le directeur grands projets du groupe.
« Ils travaillent sept jours sur sept pour accélérer et passer en force », déplore Stéphane Perron, président de l’association Pour les Chambaran sans Center Parcs. De nouveau, l’association va déposer une requête en référé et une sur le fond devant le tribunal administratif de Grenoble pour dénoncer l’illégalité de l’autorisation préfectorale. Elle joint ainsi les derniers recours déposés par les pêcheurs de la Drôme et la Frapna. Une démarche soutenue par les écologistes. « Il y a une grosse fragilité juridique du projet, il pourrait être déclaré illégal sur le fond », espère Olivier Bertrand, conseiller général EELV.
Contactée par Le Figaro, la préfecture de l’Isère n’a pas encore répondu à nos questions.
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