Les mesures compensatoires pour la biodiversité, mises en place dans le cadre des projets d’aménagement, sont très loin de compenser réellement les impacts engendrés, révèle une étude du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) publiée dans la revue Biological Conservation.
Pour les projets d’aménagement les plus importants, tels que des routes de plus de 10 km ou des quartiers d’habitation supérieurs à 4 hectares, le maître d’ouvrage est tenu de produire des études d’impact environnemental, notamment sur la biodiversité.
Mise en place lors du Grenelle de l’environnement de 2007, puis renforcée par la loi biodiversité d’aoà »t 2016, il est même dans l’obligation d’appliquer la séquence Eviter-Réduire-Compenser (ERC). Par le dernier de ces trois termes, il s’agit de parvenir à zéro perte nette de biodiversité, voire à un gain, comme le prévoit la loi d’aoà »t 2016.
Pour cela, le maître d’ouvrage doit identifier des zones, si possible situées à proximité de celle impactée par le projet, sur lequel il s’engage à obtenir un gain de biodiversité, égal ou supérieur aux pertes engendrées sur le site du projet.
De maigres gains
Or dans son étude menée sur 25 gros projets d’aménagement menés entre 2012 et 2017 en France (20 en Occitanie, 5 dans les Hauts-de-France), l’équipe de Fanny Guillet, du Centre d’écologie et des sciences de la conservation (MNHN, Paris)[i], révèle que ce processus, bien huilé sur le papier, est, dans les faits, bien mal appliqué.
Tout d’abord dans le choix de la zone de compensation : dans seulement 20% des cas, il s’agissait de zones qui sont réellement à restaurer, telles que des zones agricoles intensives ou des milieux très dégradés. Pour les 80% restants, il s’agissait d’une compensation a minima sur des zones naturelles ou semi-naturelles, à savoir une simple préservation de forêts, bois et prairies.
« D’un côté, on passe de 100% à 0% de biodiversité sur la zone du projet ; de l’autre, il s’agit de passer, dans ces espaces déjà naturels, de 90% à 100%, en se contentant de réaliser de petites mesures de gestion », explique Fanny Guillet, contactée par le JDLE. Une sacrée entorse au principe du zéro perte nette de biodiversité.
De faibles surfaces de compensation
Par ailleurs, les surfaces choisies pour la compensation sont le plus souvent de taille inférieure à celles du projet. Pour l’ensemble des 25 projets, les premières étaient de 577 hectares, contre 2.451 hectares pour les secondes. Et ces surfaces de compensation sont le plus souvent morcelées entre plusieurs sites, à raison de 3,83 sites en moyenne par projet.
« Les agents administratifs chargés d’instruire les dossiers déplorent ces situations, mais s’ils n’acceptent pas, ils sont confrontés aux maîtres d’ouvrage. Ils ne sont soutenus ni par les directeurs des Dreal[ii], ni par les ministères, ni par les préfets », estime Fanny Guillet.
« Malgré tous les discours sur le zéro artificialisation nette, on demeure cantonné à une compensation assez facile », ajoute la chercheuse. Sous couvert de protection de la biodiversité, cette « compensation de papier », qui ne « protège rien du tout », a pour effet pervers de « délégitimer le débat public sur l’intérêt des projets ».
Source : http://www.journaldelenvironnement.net/article/la-compensation-maigre-cache-misere,99115