En décembre, Isère Magazine a voulu publié un article intitulé "La vérité sur Center Parcs" (cet article en pdf), voici notre réponse à ces élucubrations partisanes :
Point n°1 : «  Le projet va détruire des centaines d’hectares de forêt  »
La surface relative de la forêt détruite n’a jamais fait l’objet de remarque des opposants, si ce n’est que l’opération de déboisement est menée brutalement et sans aucun respect de la nature à une échelle industrielle, ce qui n’est plus à prouver, étant donné la multitude de photos qui ont pu être prises sur le terrain (40 hectares de forêt totalement rasée et détruite en 1 mois seulement). Il ne reste rien d’autre qu’un champ de boue et d’ornières remplies d’eau.
L’argument visant à indiquer des valeurs relatives en % de la surface de forêt détruite a été énoncé par les porteurs du projet pour minimiser l’impact de leur massacre organisé sur l’environnement. D’ailleurs et à ce titre, nous leur suggérons de comparer la surface de la forêt détruite à celle de la surface de la forêt amazonienne : leur argument n’en ressortira que davantage renforcé !
Autre insinuation trompeuse : la surface de 33000 hectares est celle du massif des Chambaran comprenant bois, mais aussi surfaces cultivées et autres. Il ne s’agit pas de 33000 hectares de zones humides. Le mélange des choux avec les carottes est volontaire et maladroitement utilisé pour obtenir l’effet trompeur recherché.
Quoiqu’il en soit : ce qui est essentiel et ce dont on parle : ce sont les 120 hectares de zones humides particulières détruites et impactées, la disparition de 35 espèces protégées (faune et flore) et la dégradation des aires d’alimentation pour des zones prioritaires pour l’alimentation en eau potable, selon les études scientifiques réalisées par le SDAGE devant être protégées en priorité, de manière durable et devant connaître une faible anthropisation pour être conservées en l’état. Or, on prévoit une population de 5 à 6000 habitants qui va demeurer en permanence juste à cet endroit !
Ces zones humides uniques des plateaux Chambaran sont en lien avec l’aquifère qualifié à haute valeur patrimoniale et à protéger en priorité pour les générations futures.
- 23 nov 2014 : chantier Center Parcs, source chambarans.unblog.fr/
Point n°2 : «  Le projet va détruire des zones humides  »
Difficile aux porteurs du projet de nier une telle évidence. C’est la raison pour laquelle ils recherchent à en minimiser les effets en ne prenant en compte que les affirmations faussement optimistes d’un promoteur immobilier (76 hectares impactés), au lieu des estimations établies et justifiées par les experts environnementaux (120 hectares). Ces dernières ont été rapportées dans le dossier «  Loi sur l’eau  » par 3 commissaires enquêteurs.
Rappelons que l’impartialité de ces derniers, nommés par le tribunal administratif de Grenoble, ne peut être remise en cause par certains élus comme cela a été le cas, acte qui constitue la manifestation d’une défiance envers une démocratie dont ils se prétendent eux-mêmes en être les défenseurs et les garants.
- 20 nov 2014 : Zone Sud, pelleteuse dégage les arbres du chemin
Point n°3 : «  Le projet va dégrader la nappe phréatique nécessaire à l’accès à l’eau de milliers de citoyens drômois et isérois  »
La réponse parue dans Isère Magazine est complètement hors sujet puisqu’il n’y est évoqué que les réseaux d’eau potable et d’assainissement existants qui vont être améliorés grâce à Center Parcs. Là encore, on parle choux (atteinte par pollution des milieux aquatiques et atteinte aux terrains des aires d’alimentation de l’aquifère), ils répondent très longuement carottes (réseau d’eau potable et d’assainissement existants qui vont être améliorés).
- 20 nov 2014 : Zone de défrichage Est, machine à abattre les arbres par bouquets
Point n°4 : «  Le projet risque de mettre en péril la faune et la flore  »
Ils répondent que c’est faux en évoquant la mise en Å“uvre d’une petite et très partielle série de «  mesurettes  ».
Toute une faune et toute une flore vivent en parfaite symbiose dans cette zone humide, formant une biocénose particulièrement bien adaptée au milieu. Comment peut-on oser faire croire à toute personne, saine de corps et d’esprit, que la destruction complète de 120 hectares de cette zone humide ne met pas en péril cette faune et cette flore ? Â
Point n°5 : «  Le projet va créer des emplois précaires et sous qualifiés  »
Là aussi, les réponses des porteurs du projet sont insidieusement trompeuses.
Première affirmation : le chantier prendra 2 ans et nécessitera 1500 emplois, laissant ainsi insidieusement sous-entendre que 1500 personnes seront employées durant 2 années à temps plein, ce qui ne sera absolument pas le cas. Tout au plus 150 personnes en moyenne journalière.
2 personnes différentes travaillant chacune 1 jour seulement durant les 2 ans sur le chantier feront 2x365x2 = 1460 personnes.
On voit donc bien à quel point une telle affirmation peut être insidieuse.
En ce qui concerne la qualification des emplois, il n’est un secret pour personne que la majorité de ces emplois est uniquement consacrée à des taches de nettoyage ménager des cottages et de services de restauration, en CDI certes, mais à temps partiel et avec des horaires de 9 à 10 h/ semaine pour 240 euros/mois, comme c’est le cas dans d’autres Center parcs.
Point n°6 : «  Le projet est très largement subventionné par les pouvoirs publics, sans réflexion.  »
Le total de 112 millions d’euros de subventions, participations financières et aides fiscales offertes par les contribuables au promoteur immobilier Pierre et Vacances sont loin d’être un chiffre sortis d’un chapeau.
Ont été pris en compte pour l’établissement de ce montant :
- Un total de 37,5 millions d’euros annoncés officiellement par les porteurs du projet (Région, conseil général, communauté de commune Bièvre valoire etc…) depuis 2010
- Les exonérations fiscales au titre de la loi Censi Bouvard (11% du montant HT des cottages) : 27.2 millions d’euros (cette niche fiscale illégitime a été prolongée en 2012 de manière incroyable jusqu’en 2016 par Mr Cahuzac...!)
- Les exonérations de la TVA sur le prix des cottages :47.5 millions d’euros
Et encore, il apparaît d’autres dépenses au fur et à mesure que le projet avance et qui n’ont pas encore été prises en compte dans ce chiffre.
L’argument principal des porteurs du projet est celui du nombre d’emploi généré par le Center Parcs et le développement économique d’une région.
Avec 240 000 euros payés par le contribuable pour chaque emploi équivalent temps plein créé par le Center Parcs, soit 10 à 15 fois plus cher qu’un emploi d’avenir, n’y a-t-il pas mieux à faire pour créer de vrais emplois qualifiés dans le bassin isérois ?
Et même très facilement avec beaucoup moins d’argent public consacré à chaque emploi ?
Point n’est besoin d’un Center Parcs destructeur d’environnement précieux pour cela !
- 16 nov 2014 : pelleteuses sur une des zone de défrichage du Center Parcs Roybon
Point n°7 : «  Le projet est illégal et illégitime, les procédures publiques ont été bafouées, les opposants n’ont pas pu s’exprimer  »
Les points longuement énoncés au préalable dans Isère Magazine ont été réglés par la justice et ne prêtent plus à la moindre contestation de notre part.
Le mentionner ne sert plus à rien, si ce n’est à tenter de faire croire que, quoique l’on fasse, ils obtiendront toujours gain de cause.
Aujourd’hui le problème est uniquement concentré sur le respect de la loi sur l’eau et la destruction des espèces protégées :
A ) Les recours en justice n’en sont qu’à leur tout début, ce que les porteurs du projet omettent volontairement de préciser.
Ils affirment haut et fort un point de vue qui leur est propre, mais qui fait l’objet de notre part des contestations les plus importantes.
Nous ne pouvons que leur conseiller d’avoir un minimum de pudeur à ce sujet, en attendant que la justice ait étudié le bien-fondé de nos requêtes et prononcé un jugement une bonne fois pour toutes. Jusqu’à nouvel ordre, c’est comme cela que fonctionne notre démocratie.
B) S’agissant de la destruction de zones humides, ce projet devrait également être en accord avec les directives européennes en matière d’environnement, étant entendu que tous ses états membres ont le devoir d’en respecter les règles sans exceptions. C’est la raison pour laquelle nous envisagerions éventuellement de déposer un recours auprès de la commission européenne chargée d’étudier les dossiers concernant l’environnement.
Par ailleurs, nous voulons attirer l’attention sur le fait que les procédures de validation de ce type de projet sont biaisées, inadéquates, détournées... Elles ne sont pas réellement démocratiques et sont conçues pour pouvoir être contournées aisément quand des élus et préfets le décident.
Voici quelques indications non exhaustives sur ces faits (nous reviendrons sur ces questions dans un article beaucoup plus détaillé, car le sujet est capital) :
- la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) n’a jamais été consultée en amont alors que le projet dépassait les 300 M€ et que Pierre et Vacances l’a fait pour le Center Parc d’Ile de France en 2011, et vient de le faire pour les projets en Haute Saône et dans le Jura...
- les études d’impacts initiales sont payées par l’aménageur sans aucun contrôle indépendant
- aucune loi n’oblige réellement les aménageurs à choisir un terrain moins sensible du point de vue écologique (leur intérêt financier prime)
- les recommandations du SDAGE (Schéma directeur d’aménagement de la gestion de l’eau) n’ont pas été prises en compte
- les commissions de l’ONEMA (Office national de l’eau et des milieux aquatiques) et de la CNPN (Conseil National de la Protection de la Nature) ont donné des avis négatifs, mais ces derniers étant seulement consultatifs, aménageurs et élus peuvent passer outre, ce qu’ils font (Le Préfet de région JF Carenco a publiquement déclaré : « l’avis du CNPN je m’assois dessus »)
- l’enquête publique concernant la loi sur l’eau a conclu à un avis négatif des 3 commissaires enquêteurs à l’unanimité avec 12 points majeurs relevés, dont un seul d’entre eux suffirait à demander à l’aménageur de « revoir complètement sa copie  », mais là aussi le préfet et les aménageurs peuvent passer outre et se contenter de quelques aménagements mineurs pour la forme
- le préfet s’appuie uniquement sur le CODERST pour valider les autorisations de démarrage du chantier, mais cet organisme (qui donne le seul avis favorable) est composé d’une majorité de responsables administratifs qui sont sous la tutelle des élus...
- etc.
Même au plus haut niveau de l’Etat, on admet à présent le problème et on affiche vouloir y remédier, ainsi Thierry Mandon (secrétaire d’Etat chargé de la Réforme de l’Etat et de la Simplification ) déclarait récemment sur France Soir : <<"Les formes traditionnelles de la démocratie représentative sont probablement insuffisantes désormais. Elle doit être complétée par la démocratie participative. Des formes beaucoup plus larges de participation des populations au processus de décision. Par exemple les processus d’enquête publique. Il faut améliorer la transparence et les motivations des dépenses publiques. Travailler plus sur l’impact prévisionnel de la dépense publique. Il y a des manquements qui font que malheureusement, quand des élus prennent une décision, on se dit +il y a un lézard+".>>
Mr le président Hollande, le 27-11-2014, disait vouloir tirer les leçons de Sivens, et il a annoncé que le gouvernement ferait d’ici à six mois des "propositions" en matière de "démocratie participative" sur l’impact écologique de ce type de projets.
Il déclarait aussi : <<"Le décès d’un jeune homme dans le cadre d’une manifestation est un drame pour sa famille, un drame pour la nation", a dit M. Hollande, estimant que cette affaire "exige d’accomplir des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens" M. Hollande avait démarré son intervention en affirmant le souhait de la France d’être "exemplaire" en matière d’environnement, un an avant la tenue à Paris d’un sommet visant un accord mondial contre le réchauffement climatique.>>
Sur le Monde : << il s’agira de garantir que dans chaque grand projet d’aménagement du territoire tous les points de vue sont considérés et que toutes les alternatives sont étudiées, en évitant toutes les « formes inacceptables de violence  ». Le chef de l’Etat a prôné, dans les situations de blocage, le recours à des référendums locaux, qui valent « toujours mieux que le fait accompli ou que l’enlisement  ».>>
et aussi : << le président de la République souhaite également compenser les impacts environnementaux des infrastructures et renforcer l’indépendance des agences environnementales locales>>
Nous demandons donc que ces belles paroles deviennent effectives tout de suite, avec une vraie et large participation, de vrais débats approfondis et indépendants.
De plus, ce sont les lois elle-mêmes concernant les questions écologiques qu’il faut entièrement revoir, pour donner la primauté aux biens communs précieux et interdire leur destruction, surtout quand c’est évitable ou qu’on peut créer de l’activité autrement.
Point n°8 : « Les habitants sont contre ?  »
Les porteurs du projet font référence au dernier résultat des élections communales pour justifier qu’à Roybon le maire a été largement élu pour son programme pro Center Parcs.
Etant entendu qu’il n’y a eu que 2 candidats à la mairie, tous deux pro Center Parcs, nous voyons mal comment il pourrait en être autrement, même s’il n’y avait qu’une seule voix électorale en faveur de l’un des candidats.
D’autre part, un projet de cette ampleur (concernant subventions et atteintes écologiques) ne concerne pas seulement Roybon et son canton, mais l’ensemble de l’Isère et de la Drôme au minimum.
Conclusion
Isère Magazine est l’organe de propagande du Conseil Général de I’Isère, partie prenante du projet Center Parcs ; il ne peut donc pas communiquer en toute objectivité les conclusions scientifiques qui condamnent ce projet.
Il est dommageable et non-démocratique (au regard de l’accès égal et réel à la liberté d’expression) que les divers opposants au Center Parcs de Roybon, ainsi que divers experts indépendants, ne puissent pas communiquer leurs avis et analyses à l’ensemble des isérois avec les mêmes moyens qu’Isère Magazine !
Cet exemple montre tout simplement que la liberté d’expression est ici plus formelle que réelle, et de fait réservée surtout aux personnes au pouvoir.
PCSCP
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