Un center parc ne créé par d’emplois, il ne fait, au mieux, que les concentrer au même endroit. En effet, l’implantation d’un center parc à Roybon n’aura pas pour effet de générer 5.000 touristes supplémentaires par an en France. Si 5.000 touristes logent et consomment toute l’année dans le center parc, c’est qu’ils ne vont pas ailleurs.
Le center parc aura les mêmes effets sur le tourisme doux et rural que les sites Amazon sur les librairies, que les hypermarchés sur les commerces de centre-ville et que le maïs OGM américain sur les petits paysans mexicains après les accords de libre-échange (ALENA) : loin des nombreux emplois promis, ils ont aggravé le chômage et la précarité au sein de la population.
Avec sa logique industrielle, sa puissance financière et commerciale, ses économies d’échelle permettant de réduire les coà »ts en pressurant le petit personnel (sans parler de ses généreuses subventions publiques), le center parc va offrir des séjours à prix compétitifs dans un univers factice mais symbolisant les « vacances de riches  » pour beaucoup d’urbains déracinés. Par conséquent, il va capter en peu d’année une population de touristes qui jusque-là logeait dans des gîtes ruraux et dînaient dans des restaurants indépendants. Ces derniers ne pourront s’aligner ni sur les prix (locations de chalets bradées au détriment des petits investisseurs), ni sur l’image commerciale (bulle tropicale, voisins homogènes socialement). Rapidement, ils mettront la clef sous la porte et le center parc va faire le vide autour de lui.
Aussi, en quelques années, le center parc ne sera plus un choix supplémentaire pour les touristes de classe moyenne (les plus riches auront toujours accès à une forme d’authenticité améliorée) ce sera le seul hébergement accessible financièrement, les autres hébergements ayant fait faillite.
Les touristes n’auront donc plus le choix, mais les professionnels du tourisme non plus. Les agriculteurs qui complétaient leurs petits revenus par un gîte rural n’auront plus les moyens de l’entretenir et devront tenter d’aller vendre leurs heures de ménage à Pierre et Vacances, à vil prix en raison d’une concurrence de main-d’œuvre importée prête à accepter des conditions de travail encore plus désastreuses.
Les petits restaurateurs n’auront même pas la possibilité de mendier un emploi à Pierre et vacances puisque les restaurants du center parc ne livrent que de la nourriture industrielle livrée toute préparée. Deviendront-ils serveurs ou caissiers ?
Simplement grâce aux économies d’échelle permises par la concentration des touristes dans un camp unique, Pierre et Vacances va d’emblée détruire le double du nombre d’emploi de ceux « créés  » par le center parc.
Mais cette évolution n’est-elle pas logique ? Comment des grands groupes immobiliers peuvent-ils accepter que tant de gens, en peine de nature, aillent dépenser leur argent auprès de concurrents si faibles et si mal organisés ? Il était temps pour eux de mettre de l’ordre dans le tourisme rural comme cela a été fait avec les stations de montagne. Place au tourisme industriel, place à la loi du plus fort, aux groupes transnationaux qui vont enfin s’arroger cette manne financière trop longtemps restée dans des mains de gens inadaptés au monde moderne.
Et pour les irrécupérables nostalgiques du contact avec l’habitant et du monde rural, Pierre et Vacances mettra en scène des « zoos paysans  » avec quelques chèvres dans un enclos et un écran sur lequel un agriculteur d’opérette soulèvera des bottes de paille et conduira son tracteur toute l’année. Le tour est joué.
Nadia DONATI
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