Monsieur,
«  Extérieurs  », vous avez dit «  extérieurs  »Â ?
«  Tous les maires, tous les conseillers généraux, la quasi-totalité des habitants sont favorables à ce projet. Et, je ne trouve pas normal que ce soit des extérieurs qui décident pour un territoire qu’ils n’habitent pas.  »
Voilà ce que vous écriviez, dans le Dauphiné Libéré du samedi 18 octobre. Je vous ferai d’abord remarquer, monsieur, que, lorsqu’on s’appelle Cotalorda, Vallini, ou Pistone – Pistono en réalité ! – on garde un peu plus de mesure dans ses propos. Je pense que vos ancêtres, comme les miens, sont venus d’Italie. Je vous rappellerai qu’un certain nombre d’entre eux, travailleurs, ont été agressés par ceux qui estimaient qu’ils leur prenaient leur emploi… et, ils en sont morts. On commence par stigmatiser ceux qu’on appelle des «  extérieurs  » avant de les nommer «  étrangers  », puis «  Indésirables.  ».
Ce qualificatif est repris par deux commerçants roybonnais interviewés ce matin, 22 octobre, sur Radio France Isère. Je comprends leur inquiétude face aux difficultés de leur commerce. Ils sont aussi «  extérieurs  », comme plusieurs de leurs collègues ! On ne peut d’ailleurs que se féliciter de ce qu’ils n’aient pas craint de s’installer dans un village moribond, abandonné depuis des années par des responsables, qui, de «  Cité Cyné  » au «  Centre de Stockage de Classe 2  » pour arriver au «  Center Parcs  », se sont surtout occupés de promouvoir des projets mirobolants. Les commerçants de Roybon savent-ils que Center Parcs amènerait un Inter Marché dans ses bagages ?
Christian Luciani, président semble t’il – il ne s’est pas présenté ! - de l’association pour le center parcs, connaît très mal le village où il a été accueilli. Les Chambarans signifient-ils «  champs bons à rien  »Â ? C’est possible, rien ne le prouve. Pour la plupart des Roybonnais, Roybon tiendrait son nom, «  Rubon  », de Louis XI. Mais la ville existait bien avant ce roi qui se serait désaltéré dans une fraîche rivière, un ru ! Méfions nous donc de l’étymologie. Et même si ces champs n’étaient bons à rien, que de travail n’a-t’il pas fallu pour qu’ils deviennent de grasses prairies où paissent des Charolais et où l’on cultive maïs et autres céréales ! Quant aux bois des Avenières si méprisés par ce monsieur, - qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ! - il se trouve que j’ai accompagné auprès des vieux paysans roybonnais, une jeune étudiante lyonnaise qui était chargée d’enquêter sur ces bois. Je connaissais une partie de l’activité économique qu’ils avaient générée. Je ne l’imaginais pas aussi importante.
Une population roybonnaise qui n’a jamais été xénophobe :
Sans doute ne savez-vous pas – on ne peut pas se renseigner sur tout et vous avez choisi de vous intéresser à ce projet dément qui s’appellerait Center Parcs – que les Roybonnais ne sont pas xénophobes. Ils ont accueilli les protestants au milieu du 16ème siècle ; les prêtres réfractaires après 1789. Début 1940, ils essayaient de témoigner leur amitié aux «  Indésirables  » parqués dans l’ancienne usine de soierie. Les «  extérieurs  » ayant fui le totalitarisme de Mussolini et Franco, réfractaires au STO et résistants, cachés dans les bois des Avenières, étaient soutenus par la population. Plus récemment, ce sont les «  harkis  » qui, abandonnés par le gouvernement français qu’ils avaient servi, sont arrivés à Roybon par un froid hiver de 1963. Ils ont trouvé un peu de réconfort auprès de la population. Beaucoup ont d’ailleurs fait souche dans la commune.
«  Des extérieurs  » isérois qui paient leurs impôts dans le département :
Monsieur le Président du Conseil Général, ces extérieurs, en grand nombre, habitent le département de l’Isère. Ils y paient leurs impôts donc votre salaire – peut-être dit-on indemnité d’ailleurs- ils paient aussi les salaires des autres conseillers généraux, dont certains sont en même temps député, si ce n’est ministre, conseiller régional, maire …. Que sais-je encore ? Toutes fonctions qui, bien sà »r, entraînent rémunérations ! Ces «  extérieurs  » ont donc bien le droit de savoir ce qu’il advient de leurs impôts et de dire ce qu’ils en pensent.
Indépendamment des rémunérations, les Isérois paient aussi les différentes subventions que l’assemblée départementale octroie. Quand il s’agit d’aider les associations patrimoniales ou de permettre la gratuité de certains musées, nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais que dire des 7 millions d’euros prévus pour les investisseurs immobiliers qui auraient dà », chacun, recevoir 7000 euros ? Comme le conseil général prend parfois «  en considération les critiques émises  », la mesure a été annulée. Que deviendront ces 7 millions ? Iront-ils à la commune de Roybon qui fait partie de la liste peu glorieuse des communes les plus endettées de France ? Serviront-ils à réparer la route effondrée, au Col de la Madeleine, impraticable depuis longtemps ? Permettront-ils d’améliorer l’état des locaux du collège de St Siméon de Bressieux ? Serviront-ils à aménager des logements décents pour les familles que l’on expulse à Grenoble, et dans la banlieue, à la veille de l’hiver ? .Combien de travaux utiles qui pourraient être financés par la collectivité ? Mais non, vous avez fait un autre choix ! ils seront mis au service de Pierre et Vacances, cette société qui a déjà bénéficié, de la part de la commune de Roybon, d’un beau cadeau avec l’achat du terrain à 30 centimes d’euro le mètre carré ! Le consortium touristique ferait des travaux d’accès aux bungalows et recevrait l’argent du département pour des «  équipements structurants (accès principaux, voies et réseaux, partie de la forêt, etc.)  ». Pierre et Vacances en aurait «  l’usufruit pour une durée à déterminer  », et la collectivité récupèrerait ce qu’il en reste. Ce qui permettrait de «  substituer à une simple subvention, la constitution d’un actif public, … la Collectivité constituant un patrimoine en contrepartie de sa dépense.  ». Mais vraiment, les conseillers généraux se moquent de nous ! – seuls les deux conseillers verts ont voté contre -. On commence par détruire un patrimoine avec l’appui du conseil général. Ensuite on paie pour reconstituer ce même patrimoine récupérable dans quelques décennies ! Qui pourrait croire qu’il en resterait quelque chose ?
Des «  extérieurs  » de toute la France, qui paient, aussi, leurs impôts !
Les «  extérieurs  » opposés au Center Parcs, Monsieur Cotalorda, peuvent venir de beaucoup plus loin que du seul département de l’Isère : Paris, Toulouse, Bordeaux, ou le plus petit village de Bretagne. Tous sont concernés. Tous paient des impôts, au moins par TVA interposée. Tous subventionneraient donc les acheteurs de «  cottages  », qui, grâce aux niches fiscales, se verraient exemptés de TVA et d’une partie des bénéfices locatifs, ce qui représente de coquettes sommes.
Mais qu’ils habitent le canton, le département, la France ou la Navarre, «  les extérieurs  » pouvaient jusque là – c’est-à -dire jusqu’à la vente des Avenières par la commune de Roybon – se promener au milieu de ces bois, y cueillir du muguet, du houx ramasser des champignons, et des châtaignes, y chasser, y rêver. Ce terrain, depuis 720 ans, appartient aux Roybonnais qui n’ont jamais pensé le clôturer. Pendant cinq cents ans, ils ont défendu leurs bois contre les verriers, les seigneurs et même les communautés voisines. Aujourd’hui, certains se plaignent bien parfois que «  des extérieurs  » emplissent des sacs un peu trop grands avec les champignons qu’ils ont ramassés. Mais ils n’ont jamais sorti les fourches !
Des habitants qui seraient favorables au projet. Même dans la Drôme ?
La quasi-totalité des habitants est favorable à ce projet, dites-vous. Ils ne le manifestent guère : les quelques regroupements appelés par les partisans du Center Parcs, s’ils ont vu de nombreux élus - ceints de leur écharpe, bien sà »r ! – n’ont pas attirés la masse des Roybonnais, et, d’un rassemblement à l’autre, ce sont toujours les mêmes personnes que l’on retrouve. Quant aux maires et conseillers généraux du secteur on voit mal ce qu’ils pourraient craindre de ce projet qui leur apporterait – du moins c’est ce qu’ils pensent – des retombées financières sans nuisances graves pour eux. Car personne ne parle plus guère des emplois.
Mais avez-vous fait, Monsieur Cotalorda, quelques kilomètres supplémentaires et êtes-vous allé voir ces «  extérieurs  » qui habitent les vallées de l’Herbasse et de la Galaure ? Avez-vous entendu les riverains de la Galaure se plaindre de la disparition presque complète de la rivière en été ? Avez-vous entendu parler, et même vu sur Internet, les dégâts engendrés, en octobre 2013, par la rivière Herbasse dans sa vallée ? Et ce n’était pas le premier désastre qu’elle occasionnait. Vous-mêmes et vos collègues, Monsieur, avez-vous suivi le procès des personnes mises en cause après les victimes de la tempête Xinthia en 2010 ? Si Center Parcs se faisait et qu’il y ait des incidents graves, ou même des accidents, pensez-vous que Mr Brémond, ou le préfet, viendraient vous défendre ou qu’ils défendraient le maire de Roybon ?
Savez-vous que les nappes de Bièvre-Valloire et de la Galaure, sont chaque année en déséquilibre quantitatif ? On nous dit que la bulle aquatique, comme les 1000 cottages, n’entraîneraient pas de consommation d’eau supplémentaire. Voudriez-vous qu’on y croie ?
Les lobbyistes et leur patron, «  extérieurs  » que vous soutenez :
Si nous devions craindre des «  extérieurs  » ce sont bien ceux qui sont payés par leurs entreprises pour convaincre le personnel politique de prendre les mesures qui conviennent à leur patron. Ce sont ceux qu’on appelle les lobbyistes qui devraient nous inquiéter. Ainsi le ministre qui a fait la Une de l’actualité, connaissait bien «  les extérieurs  » qui faisaient fructifier son argent. Avant de devoir quitter le gouvernement, il avait eu le temps de réactiver une niche fiscale qui devait être supprimée. Combien de conseillers départementaux ont été contactés par des lobbyistes ?
Les «  extérieurs  », ce sont les sociétés qui, comme Pierre et Vacances, après avoir fait miroiter à des investisseurs des revenus lucratifs pour leur retraite, ne paient plus les sommes promises. On peut craindre, si le Center Parcs se faisait, qu’il en soit de même pour les propriétaires de «  cottages  » qui, abandonnés, deviendraient alors de simples cabanes pourrissant dans un environnement détruit.
Vous n’hésitez pas cependant, Monsieur, avec vos collègues du Conseil Régional, du Conseil Général, de la Communauté de communes, de la commune de Roybon, à soutenir ces «  extérieurs  ».
Le Préfet aurait-il outrepassé ses droits ?
Par ailleurs, Monsieur Cotalorda, vous semblez trouver normal que le préfet autorise l’installation de ce centre de vacances qui fait fi de l’avis de la commission d’enquête qui s’est, à l’unanimité, prononcée contre. Les lois sur l’eau ne seraient-elles pas bafouées ? Le préfet se permet aussi d’autoriser la destruction d’espèces protégées et ne tient évidemment pas compte du refus majoritaire des personnes consultées. Et encore s’était-on bien gardé de s’adresser aux Drômois ! On dit que le représentant du pouvoir dans le département aurait flirté avec la légalité ? N’est-ce pas une invite, faite aux citoyens, de l’imiter ?
Les travaux, sur le site, ont commencé. Un gardien est présent. Cela ne nous empêchera pas d’agir pour que le bois des Avenières reste libre et gratuit comme il l’est depuis 720 ans.
A Roybon, le 27 octobre 2014.
Michelle Pistone.
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